La nuit de la Sainte-Lucie 1530 à Montredon-Labessonnié : sordide et sanglante équipée ; son prompt châtiment. La fête de la Sainte-Lucie (13 décembre) 1530 fut en effet fort agitée dans le nord dans l’immense communauté de Montredon-Labessonnié.
L’écriture est une cursive gothique typique des greffiers de cette époque. On remarquera les s finaux en forme de sigma, les attaques obliques relativement discrètes des a, des q et de l’abréviation de la syllabe con-, en forme de 9.
Une bande de mauvais garçons formée de Bernard Gantet, charpentier de Teillet, Antoine Biro, Antoine Barrau, Berthomieu Birot dit Birotel et un nommé Miquelon dit Gordiman fut envoyée, contre récompense, par Antoine Matet, prêtre de la paroisse de Salclas, donner une correction à deux membres de la famille Eralh de La Bazinié (ceux-ci s’étaient moqué de lui parce qu’ils l’avaient trouvé seul avec Astrugue Mons, épouse de Guillaume Eralh), puis alla de logis en logis (à Savin, au mas de Magadès, dans la commune de Saint-Pierre-de-Trivisy, au mas de Paulhe), boire forces chopines, pour finir en pleine nuit au mas de La Bazinié où habitait Guillaume Eralh et sa femme, Astrugue Mons, qu’ils espéraient peu farouche puisqu’elle « fréquentait » un prêtre.
Pendant que le mari est sommé d’aller tirer du vin, les mauvais garçons veulent abuser de l’épouse. Celle-ci crie au secours, le mari revient : celui-ci est tellement battu qu’il se retrouve par terre sans doute inconscient, et la femme est rudement battue « à grans coups que luy donnarent des pomeaulx de leurs spées et à grandes platissades » et attirée à quelque distance pour être violée par toute la bande. Quelques jours après, le mari meurt de ses blessures (on apprend des interrogatoires qu’il était excommunié, mais on ne sait pourquoi).
Le jugement nous apprend que c’est sur la plainte de la veuve, victime du viol, et de son fils – il leur a sans doute fallu une bonne dose de courage et le soutien de leurs proches – que le prévôt intervient. Les interrogatoires commencent le 23 février suivant et le jugement est rendu le 25. Le prévôt est compétent, et non les juridictions ordinaires, parce que les coupables sont d’anciens soldats débandés « vaguebundant pour le pays, mangier la poele sur le peuvre peuble, faisant semblant de aller à la guerre au service du roy ».
On verra par le jugement ci-dessous combien la justice du prévôt des maréchaux est expéditive, sévère et compte sur l’exemplarité des châtiments.
Les Archives du Tarn conservent un ensemble particulièrement intéressant de procédures du 16e siècle provenant d’une institution dont les archives ont rarement subsisté pour cette époque : les prévôts des maréchaux. Par suite d’une confusion ayant dû se produire depuis l’origine entre le fonds de la municipalité et celui du diocèse civil, ces liasses se trouvent depuis la Révolution, par erreur, dans le fonds des Archives communales d’Albi (FF 83 pour 1521-1533, FF 111-120 pour 1561-1564, FF 130-132, 136 pour 1595-1618). Au 16e siècle en effet, la circonscription de chaque prévôt des maréchaux semble être en Languedoc le diocèse civil. On trouve d’ailleurs dans le fonds du diocèse d’Albi (série C, C 378 et suivants) des documents concernant le remboursement des frais de la maréchaussée sur le budget du diocèse.
Cette justice d’exception est organisée par François Ier pour assurer la discipline des armées, réprimer les crimes et délits commis par les soldats déserteurs, les vagabonds, les gens « sans aveu » et sans domicile, les crimes commis sur les grands chemins, les émotions populaires, etc. La force de l’ordre à la disposition du prévôt est la maréchaussée, ancêtre direct de notre gendarmerie. La caractéristique de ces tribunaux est le caractère expéditif, le plus souvent sévère, de leurs décisions : ils jugeaient sans appel et la torture était systématiquement appliquée. Le nom de « justice prévôtale » est depuis restée à toutes formes de justice extraordinaire et expéditive. (Voir par exemple Royer (Jean-Pierre), Histoire de la justice en France, Paris, PUF, 1995, p. 81-84).
Comme tout document judiciaire, ces dossiers constituent des « tranches de vie » (ou de mort le plus souvent violente) prises sur le vif, dans les bas-fonds de la société. C’est le cas de l’affaire dont le jugement présenté ci-dessous est la conclusion. Celui-ci est conservé dans la liasse FF 83, mais le cahier où figure tous les interrogatoires est dans FF 112.